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Les intentions de ce Festival ? Donner à tous les publics, petits et grands, le goût de la lecture, leur permettre de s’exprimer à travers des ateliers artistiques et de l’écriture, échanger, créer et découvrir !

Histoire d'eau par Eric

Impossible de trouver une minute pour écrire. Il s’est passé trop de choses dans ma vie.

Je me demande depuis combien de temps la pluie tombe. Je ne me souviens même plus de la dernière fois où j’ai vu le soleil briller.

Tout au plus un disque pâle derrière un voile de nuages.

C’était il y a longtemps, un temps lointain à la lisière de la mémoire.

Il ne m’en reste que des bribes, des fragments de souvenirs au bord coupant comme un verre brisé.

Un visage comme déformé par quelque chose, une colère, une souffrance, une hargne ? Je ne sais plus.

Je m’efforce de rappeler à la surface et de recoller les morceaux.

Il manque des pièces au puzzle et celles que je trouve ne s’ajustent pas toutes entre elles.

Je m’efforce et l’effort m’épuise. Je suis fatigué et la pluie qui tombe sans discontinuer depuis des mois, des années peut être.

L’eau a tout submergé, les champs et les routes, les cours d’école et les jardins.

Les gens qui ont pu échapper à la vague se sont réfugiés sur les hauteurs, dans les derniers étages des immeubles, dans les collines et les montagnes.

L’eau continue de monter, charriant des objets, des meubles, des cadavres.

Plus l’eau monte et moins il y a d’espace pour les survivants qui se battent pour la moindre parcelle, jusqu’à s’assommer, jusqu’à se précipiter les uns les autres dans le flot boueux qui finit par les engloutir.

Je survis.

Je me suis réfugié dans un cagibi au 15ème et dernier étage d’un immeuble. Dans l’appartement, il y a une vingtaine de personnes et chacun s’est attribué un espace, un territoire qu’elle est prête à défendre à tout prix.

Une sorte de communauté s’est crée entre nous et, si chacun défend jalousement son propre territoire, nous  nous unissons pour repousser les assaillants des étages inférieurs.

Jusqu’à présent, nous tenons le coup et personne n’a pu franchir la porte de notre bunker. Chacun a ses propres vivres, chacun a fait ses réserves.

Il nous arrive de nous échanger des choses, de la nourriture, une tablette de chocolat contre une plaquette de beurre.

Nous parlons peu, nous ne sommes unis que par la neccesité  et la volonté de défendre notre refuge.

Des coups sourds à la porte. Une nouvelle attaque. Ils ont l’air plus nombreux que d’habitude. Eux aussi, ceux qu’on appelle « les inférieurs » sont capables de s’unir.

Encore une fois nous allons nous défendre, encore une fois nous les rejetterons là d’où ils viennent.

De la pitié ? Quelle pitié ? C’est de survie que je vous parle, nous n’avons pas le choix, c’est eux ou nous.

Il me semble que la pluie a redoublé de violence.

Mais tout est violence, même le silence est violent. Il nous fait peur mais ce que nous semblons redouter davantage, c’est la parole.

Je crois que rien de bon ne pourrait sortir des mots, rien, en tout cas tant que la pluie tombera, tant que le niveau de l’au montera. Non, le moins de paroles possibles, le moins de pensée.

Pourtant je voudrai me souvenir, reconstituer une histoire, mon histoire.

Il y a eu quelque chose avant, peut être des gens qui souriaient.

Autour de moi je ne vois que des grimaces, des peurs, des envies.

Un sourire, un geste, une parole, d’empathie sont des marques de faiblesse et ici, i tu es faible, tu meurs.

Un occupant qui disparait, c’est plus de place, d’eau, de nourriture pour ceux qui restent.

Il faut trouver l’équilibre, ne pas être trop nombreux pour pouvoir subister le plus longtemps possible, mais l’être suffisamment pour repusser les assaillants.

Les attaques se sont faites moins fréquentes au fur et à mesure que l’eau atteind les étages supérieurs.

Je crois que, à chaque étage, ils ont la même logique que nous ; Résister aux tentatives des « inférieurs ».

Ainsi, ils éliminent nos assaillants potentiels.

Ils seront nos derniers adversaires, les inférieurs du 14 ème.

Ils peuvent venir, nous serons prêts. Chacun ici attend l’assaut, imagine que les inférieurs sont en train d’élaborer une stratégie, de fabriquer des armes.

Je regarde en bas par la fenêtre.

L’eau vient d’atteindre le 13 ème étage et la pluie continue de tomber………………

 

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